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Vie des affaires

Révocation du dirigeant

Un dirigeant informé in extremis des motifs de sa révocation

Le dirigeant peut ne pas être informé des motifs de sa révocation préalablement à l'entretien au cours duquel celle-ci sera prononcée. L'important est qu'il ait été mis en mesure de présenter ses observations avant que la décision ne soit prise.

Les règles de révocation du dirigeant

La révocation peut parfois être sans un juste motif. - La révocation d'un dirigeant est en principe libre. Autrement dit, un dirigeant peut toujours être révoqué, sauf naturellement s’il s’est assuré de détenir la majorité nécessaire pour demeurer en poste.

Dans certains cas, la révocation doit toutefois être fondée sur un juste motif. Sinon, le dirigeant peut demander des dommages et intérêts. Cela vaut pour le directeur général d'une SA (c. com. art. L. 225-55) ou encore le gérant d'une SARL (c. com. art. L. 223-25).

À l'inverse, le conseil d'administration peut révoquer le président directeur général d'une SA sans un juste motif (c. com. art. L. 225-55).

Pour d'autres formes sociales, ce sont les statuts qui précisent si la révocation du dirigeant nécessite, ou non, un juste motif. Tel est le cas pour le président de la SAS (c. com. art. L. 227- 5) ou le gérant de la société en commandite par actions (SCA) (c. com. art. L. 226-2, al. 3).

La révocation ne doit pas jamais être brutale. - Que la révocation du dirigeant nécessite, ou non, un juste motif, elle doit, dans tous les cas, donner lieu à un débat contradictoire.

Pour ce faire, l'intéressé doit :

-avoir connaissance des raisons qui conduisent à envisager sa révocation ;

-et être mis en mesure de présenter ses observations.

À défaut, le dirigeant est en droit de réclamer des dommages et intérêts (cass. com. 29 mars 2011, n° 10-17667 ; cass. com. 22 novembre 2016, n°15-14911).

Un dirigeant convoqué sans autre précision

Déroulement d’une révocation. – Une récente affaire illustre utilement les conditions de mise en place d’une révocation.

Il s’agit ici d’une SCA dont les statuts prévoient que l’associé unique peut, à tout moment, révoquer le gérant sans invoquer un juste motif.

Cet associé informe le gérant qu'il envisage de mettre fin à ses fonctions et le convoque à un entretien qui a lieu trois semaines plus tard. Au cours de l’entretien, l’associé expose les motifs fondant le projet de révocation. Le gérant présente alors ses observations. Puis la révocation est décidée par l’associé.

Dommages et intérêts réclamés par le gérant. - Le gérant révoqué engage une action judiciaire. Il prétend avoir cru que la convocation à l’entretien avait pour but de renégocier sa rémunération. Selon lui, la convocation aurait dû indiquer que l’objectif était de le révoquer. Bien plus, ajoute le gérant, les motifs de cette révocation envisagée auraient dû être précisés dans ce courrier.

Le gérant plaide si bien sa cause qu’il obtient 60 000 € de dommages et intérêts, mais cette décision est censurée par la Cour de cassation.

Pour la Cour, un dirigeant, n'a pas à être informé, préalablement à l'entretien, des motifs pour lesquels sa révocation est envisagée. L’important est :

-qu’il soit mis en mesure de présenter ses observations devant l'organe compétent pour décider de mettre fin à ses fonctions ;

-et que sa révocation intervienne de façon loyale.

En pratique

La solution concernait ici une SCA, mais elle a également été adoptée, dans des situations voisines, pour une SA (cass. com. 10 février 2015, n°13-27967) et pour une SARL (cass. com. 22 octobre 2013, n°12-24162).

Elle a pour conséquence pratique que, lorsque des associés convoquent par écrit le dirigeant, ils n’ont donc pas besoin de présenter leurs griefs dans ce courrier.

Cass. com. 23 octobre 2019, n° 17-27659