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Vie des affaires

Commande publique

En réponse à la crise, l'accès aux marchés publics est durablement facilité

Pour répondre aux difficultés économiques que rencontrent actuellement les entreprises, la loi du 28 octobre 2020 simplifie l'accès aux marchés publics en s'inspirant des mesures prises au printemps dernier.

Conclusion de marchés publics « de gré à gré »

Conclure un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables

Un acheteur public peut conclure un marché sans procédure de publicité ni mise en concurrence préalables lorsqu'il est confronté à une urgence impérieuse résultant de circonstances extérieures qu'il ne pouvait prévoir et qui l'empêchent de respecter les délais minimaux exigés par les procédures (c. com. pub. art. L. 2122-1). Les divers cas de dispense de procédure sont fixés par décret (c. com. pub. art. R. 2122-1 et s.).

Dispense de procédure pour motif d’intérêt général

La loi du 28 octobre 2020 crée un nouveau cas, dans lequel un acheteur public est dispensé de recourir à la procédure de publicité et de mise en concurrence : celui du « motif d’intérêt général » (loi, art. 131, 1° ; c. com. pub. art. L. 2122-1 modifié).

L'ajout de cette nouvelle notion doit permettre, dans des secteurs confrontés à des difficultés économiques importantes ou constituant des vecteurs essentiels de la relance économique, de faciliter la conclusion des marchés avec des petites et moyennes entreprises (PME) qui ne disposent pas nécessairement des moyens techniques et humains pour s’engager dans une mise en concurrence (rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, d’accélération et de simplification de l’action publique, Guillaume Kasbarian, 17 septembre 2020).

Relèvement du seuil de dispense pour les marchés de travaux

Un acheteur peut conclure un marché de gré à gré lorsqu'en raison, par exemple, de l'objet ou de la valeur du marché, cette procédure s'avère inutile. Ainsi, l'acheteur peut, en principe, passer un marché public sans respecter la procédure pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 40 000 € hors taxes (HT) ou pour les lots dont le montant est inférieur à 40 000 € HT (c. com. pub. art. R. 2122-8).

Le décret 2020-893 du 22 juillet 2020 avait relevé temporairement ce seuil à 70 000 € HT pour la passation des marchés publics de travaux, afin de faciliter l'accès des TPE et PME à la commande publique durant la crise sanitaire (décret, art. 1 ; communiqué de presse, Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, le 23 juillet 2020, n° 43).

Dans ce même objectif, la loi du 28 octobre 2020 relève à nouveau ce seuil. Ainsi, jusqu'au 31 décembre 2022, les acheteurs peuvent conclure un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 € HT, si les deux conditions suivantes sont remplies (loi, art. 142, I):

-les lots doivent obligatoirement porter sur des travaux et avoir un montant inférieur à 100 000 € HT ;

-le montant cumulé de ces lots ne doit pas excéder 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots du marché.

Ouverture de l’accès aux marchés publics

Marchés publics et contrats de concessions ouverts aux entreprises en difficultés

En principe, les entreprises en redressement judiciaire, qui ne peuvent justifier avoir été habilitées à poursuivre leur activité pendant la durée prévisible du contrat public, ne peuvent se voir attribuer un marché public ou un contrat de concession (c. com. pub. art. L. 2141-3, 3° et L. 3123-3, 3°).

Afin d'encourager la reprise de leur activité, l'ordonnance 2020-738 du 17 juin 2020 avait levé temporairement cette interdiction en leur permettant, jusqu'au 10 juillet 2021, de se porter candidate à un tel marché, dès lors qu'elles bénéficiaient d'un plan de redressement.

La loi du 28 octobre 2020 reprend cette mesure et la pérennise. Ainsi, une entreprise en redressement peut, à compter de la publication de la loi, se porter candidate à un marché public ou à un contrat de concession, sans avoir à démontrer sa capacité à poursuivre leur activité durant la durée du contrat, dès lors qu'elle bénéficie d'un plan de redressement (loi, art. 131, 2° et 9° ; c. com. pub. art. L. 2141-3, 3° et L. 3123-3, 3° modifiés).

Marchés globaux ouverts aux PME

Déjà en juin 2020, le gouvernement estimait que la période de relance de l'économie après l'épidémie de Covid-19 s'accompagnerait certainement d'une hausse des recours aux marchés globaux (rapport au président de la république relatif à l'ordonnance 2020-738 du 17 juin 2020). Pour mémoire, les marchés globaux sont régis par les articles L. 2171-1 et suivants du code de la commande publique. Sont concernés les marchés de conception-réalisation, les marchés globaux de performance et les marchés globaux sectoriels (c. com. pub. art. L. 2171-1).

De ce fait, l'ordonnance 2020-738 du 17 juin 2020 avait étendu temporairement l'accès à ces contrats aux PME et aux artisans fragilisés par la crise.

La loi du 28 octobre 2020 pérennise également cette mesure. Ainsi, à compter de la publication de la loi, ces marchés devront prévoir qu'une part minimale de leur exécution sera confiée directement ou indirectement à des PME ou à des artisans, cette part devant constituer un critère obligatoire d'attribution du contrat (loi, art. 131, 3° et 4° ; c. com. pub. art. L. L2152-9 et L. 2171-8 nouveaux). Les critères de la part minimale d'exécution réservée aux PME et aux artisans doivent encore être précisés par décret.

Un tel dispositif existe déjà en faveur des PME dans le cadre des marchés de partenariat (c. com. pub. art. L. 2222-4).

Autres mesures facilitant l'exécution des marchés publics

Nouveau dispositif applicable lors de la survenance de circonstances exceptionnelles

La loi du 28 octobre 2020 crée un nouveau dispositif intitulé « Règles applicables en cas de circonstances exceptionnelles » et regroupant les nouveaux articles L. 2711-1 à L. 2711-8 du code de la commande publique (loi, art. 132).

Ce nouveau dispositif doit permettre, en cas de circonstances exceptionnelles telles que la pandémie actuelle, d’adapter rapidement les règles prévues par le droit commun de la commande publique (rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, d’accélération et de simplification de l’action publique, Guillaume Kasbarian, 17 septembre 2020).

La loi s'inspire notamment, dans ce dispositif, des mesures mises en place par l’ordonnance 2020-319 du 25 mars 2020 durant la crise sanitaire pour venir en aide aux entreprises titulaires d'un marché public. Parmi celles-ci, nous citerons : la possibilité de prolonger la durée d'exécution du marché (c. com pub. art. L. 2711-5 nouveau), de proroger le délai d'exécution du marché (c. com. pub. art. L. 2711-7 nouveau) et la neutralisation des pénalités et sanctions en cas de difficultés d'exécution (c. com pub. art. L. 2711-8 nouveau).

Possibilité de modifier les contrats conclus avant le 1er avril 2016

Enfin, les marchés publics et contrats de concessions pour lesquels une consultation a été engagée ou un appel de concurrence envoyé à publication avant le 1er avril 2016 peuvent, à compter de la publication de la présente loi, être modifiés sans nouvelle procédure de mise en concurrence (loi, art. 133).

Pour mémoire, le 1er avril 2016 est la date à laquelle est entrée en vigueur l’ordonnance 2016-65 du 29 janvier 2016 assurant la transposition de la directive 2014/23/UE sur l’attribution des contrats de concession.

L'idée est de permettre aux acheteurs publics de modifier facilement les marchés conclus pour une durée longue, lorsqu’une telle modification est rendue nécessaire par des circonstances qu’ils ne pouvaient prévoir à l'avance (par exemple, la nécessité de fournitures ou de services supplémentaires pour exécuter le contrat) (rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, d’accélération et de simplification de l’action publique, Guillaume Kasbarian, 17 septembre 2020).

À noter. La loi d'accélération et de simplification de l'action publique n'a pas encore été publiée au Journal officiel. Elle fait actuellement l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel.

Loi d’accélération et de simplification de l’action publique définitivement votée le 28 octobre 2020, art. 131, 132, 133 et 142