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Harcèlement moral

Harcèlement moral le juge doit avoir une appréciation globale des faits invoqués par le salarié

Le juge doit examiner l’ensemble des éléments présentés par la salariée à l’appui de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail pour harcèlement moral. Il ne peut pas apprécier ces éléments de façon séparée ou en écarter certains pour exclure le harcèlement.

Interdiction de tout harcèlement moral (rappel)

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (c. trav. art. L. 1152-1).

Une fois ce principe énoncé, l’une des difficultés est de déterminer si les agissements commis constituent ou non un harcèlement moral.

La démarche est la suivante. Le salarié présente des éléments de fait laissant supposer un harcèlement. L’employeur doit prouver que ces éléments ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que sa ou ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Enfin le juge saisi forme sa conviction après avoir ordonné au besoin toutes mesures d’instruction utiles (c. trav. art. L. 1154-1).

Pour cela le juge doit apprécier tous les éléments qui lui sont soumis par le salarié dans leur ensemble afin d’apprécier si les faits matériellement établis permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral (cass. soc. 6 juin 2012, n° 10-27766, BC V n° 170 ; cass. soc. 8 juin 2016, n° 14-13418, BC V n° 128). Il en va de même en cas de harcèlement sexuel (cass. soc. 8 juillet 2020, n° 18-23410 FSPB).

Il ne peut pas apprécier les éléments de façon séparée ou en écarter certains.

Illustration dans une nouvelle affaire soumise à la Cour de cassation.

Un arrêt accident du travail puis un arrêt maladie suivis d’un licenciement pour insuffisance professionnelle

Dans cette affaire, la salariée avait été en arrêt de travail à la suite d’un accident de travail du 13 janvier 2016 au 10 juin 2016, l’arrêt ayant manifestement été prolongé plusieurs fois.

Elle avait ensuite été placée en arrêt maladie le 11 juin 2016 jusqu’à son licenciement pour insuffisance professionnelle prononcée le 16 octobre 2017.

Entre-temps, elle avait le 13 juillet 2016 saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, estimant être victime de harcèlement moral.

Sa demande a été rejetée par la cour d’appel pour qui les seuls faits établis étaient la multiplicité des convocations de la salariée à un entretien préalable de licenciement, ce qui ne faisait pas présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Une multiplicité d’éléments très différents invoqués par la salariée

La décision de la cour d’appel est cassée par la Cour de cassation.

En effet les faits reprochés (et manifestement établis) étaient bien plus nombreux.

Sans entrer dans les détails, la salariée :

-avait été convoquée à 13 reprises à un entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire entre le 18 janvier 2016 et le 16 octobre 2017 ;

-chaque convocation étant assortie d'une mise à pied conservatoire (il semble que la mie à pied conservatoire ait été maintenue sur une période de 21 mois), ce qui laissait présumer d’une procédure pour faute grave, pour finalement la licencier pour un motif non disciplinaire (insuffisance professionnelle) ;

-avait été convoquée à 9 reprises, entre février et septembre 2017, à des examens médicaux de reprise alors que les arrêts de travail étaient en cours ;

-s’était vu enjoindre par l’employeur de fournir une attestation médicale sur la nature de l'affection ayant conduit à son arrêt de travail

C’était bien tous ces éléments que le juge devait examiner dans leur ensemble pour détecter s’il y avait ou pas harcèlement moral.

L’affaire est donc cassée et renvoyée devant la cour d’appel qui devra apprécier la situation dans son ensemble.

Cass. soc. 10 mars 2021, n° 19-24487 D