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Sanction pécuniaire illicite

Refuser de payer des heures supplémentaires au motif que le salarié abuse du téléphone de l’entreprise est interdit

Dans cette affaire, une salariée employée en tant que coiffeuse depuis 15 ans a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail au motif que son employeur ne lui a pas payé plusieurs heures supplémentaires. L’employeur reconnaissait devoir 56,5 heures supplémentaires réalisées sur 3 ans, pour un montant de 826,27 €, mais refusait de les payer car selon lui, la salariée aurait abusivement utilisé le téléphone de l'entreprise et lui serait redevable à ce titre de 2 296,18 €. Il avait ainsi sanctionné la salariée et s’était permis de compenser cette « dette » avec la rémunération des heures supplémentaires.

À tort, puisqu’en procédant de la sorte, l’employeur a effectué une compensation illicite, violant l’interdiction des sanctions pécuniaires posée par le code du travail (c. trav. art. L. 1331-2).

En bloquant la rémunération des heures supplémentaires due à la salariée par une sanction illégale, l’employeur a commis un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail, ont estimé les juges du fond. Ces derniers ont également relevé l’impossibilité d’imputer les appels téléphoniques incriminés à la salariée.

Ils ont donc prononcé la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur.

L’employeur a contesté cette décision en invoquant le caractère modique de la somme due et le fait que la salariée avait tardé à saisir la justice. Selon lui, l’absence de paiement d'un montant limité d'heures supplémentaires, réalisées plus de 3 ans avant la demande en résiliation judiciaire, ne saurait constituer un manquement grave, peu important la raison invoquée pour refuser de payer ces heures supplémentaires.

Une argumentation qui n’a pas convaincu la Cour de cassation. Celle-ci estime que le refus de payer les heures supplémentaires au motif que la salariée aurait abusivement utilisé le téléphone de l'entreprise, sans en apporter le moindre justificatif, cette compensation imposée étant de surcroît une sanction illégale, constitue un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Au final, l’addition s’est avérée salée pour l’employeur puisqu’il a été condamné à verser 9 984 € de dommages et intérêts à la salariée, en plus de l’indemnité de licenciement (4 143,36 €) et de l’indemnité compensatrice de préavis (3 328 € + congés payés), sans oublier le remboursement de 6 mois d’allocations chômage à Pôle Emploi.

Face à ce type d’abus, lorsqu’il est avéré, l’employeur peut user de son pouvoir disciplinaire à l’encontre du salarié. La sanction prise doit être proportionnée à la faute commise. En revanche, l’employeur doit se garder de procéder à toute retenue ou compensation avec le salaire, qui sera jugée comme une sanction pécuniaire illicite.

Cass. soc. 31 janvier 2018, n° 16-14619 D

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