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La réparation du préjudice d'anxiété lié à l’exposition à l’amiante en voie d’être accessible au plus grand nombre

Les salariés particulièrement exposés à l’amiante sans pour autant avoir développé une maladie professionnelle liée à cette exposition peuvent bénéficier, sous certaines conditions, d’un dispositif de cessation anticipée d’activité, plus communément dénommé « préretraite amiante », assorti d’une allocation de cessation anticipée d'activité (ACAATA). Cela concerne pour l’essentiel les salariés ayant travaillé dans un établissement de fabrication de matériaux contenant de l’amiante (dont la liste est établie par arrêté), un établissement de flocage et de calorifugeage à l’amiante ou un établissement de construction et de réparation navales (loi 1998-1194 du 23 décembre 1998, art. 41, JO du 27 ; décret 1999-247 du 29 mars 1999).

Les bénéficiaires de la préretraite amiante peuvent en outre obtenir la réparation du préjudice d’anxiété occasionné par l’inquiétude permanente dans laquelle les plonge le risque de développer une maladie liée à l’amiante (cass. soc. 11 mai 2010, n° 09-42241, BC V n° 106).

À l’inverse, la réparation de ce préjudice n’était pas admise pour les salariés qui, bien ayant été exposés à l’amiante dans des conditions de nature à compromettre gravement leur état de santé, ne pouvaient pas bénéficier de la préretraite amiante, en général parce que leur établissement n’entrait pas dans le champ d’application du dispositif (cass. soc. 3 mars 2015, n° 13-20486, BC V n° 31).

Par ailleurs, invoquer un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ne permet pas de contourner l’obstacle et d’obtenir la réparation du préjudice d’anxiété (cass. soc. 26 avril 2017, n° 15-19037, BC V n° 71 ; cass. soc. 21 septembre 2017, n° 16-15130 FSPB).

Face à l’explosion des contentieux en la matière, l’assemblée plénière de la Cour de cassation est revenue sur cette jurisprudence. Désormais, même s’il n’a pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998, un salarié exposé à l’amiante et présentant, de ce fait, un risque élevé de développer une maladie grave peut agir contre son employeur en vue d'obtenir la réparation du préjudice d’anxiété, tenant à l'inquiétude permanente de déclarer une maladie liée à l'amiante.

La Cour de cassation justifie ce revirement de jurisprudence dans la note explicative de cet arrêt en expliquant que « le développement important du contentieux concernant des salariés ne relevant pas des dispositions de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 mais ayant toutefois été exposés à l’inhalation de poussières d’amiante dans des conditions de nature à compromettre gravement leur santé a amené le premier président (Bertrand Louvel) en accord avec la chambre sociale, à saisir l’Assemblée plénière afin de permettre un réexamen complet de la question de la réparation du préjudice d’anxiété des salariés exposés à l’amiante ».

Attention toutefois, le manquement à l'obligation de sécurité doit être prouvé. Autrement dit, l’employeur pourra être condamné à réparer le préjudice d’anxiété s’il n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. S’il a pris ces mesures, il ne pourra pas être condamné.

Par ailleurs, le juge ne peut pas condamner l’employeur à réparer le préjudice d’anxiété sans avoir caractérisé ce préjudice. Il faut donc que le salarié établisse la réalité de son préjudice d’anxiété.

Ce faisant, une distinction de statut juridique entre les salariés bénéficiaires de la préretraite amiante et les non bénéficiaires demeure encore, les salariés éligibles à l’ACAATA n’ayant à justifier ni de leur exposition à l’amiante, ni de la faute de l’employeur, ni de l’étendue de leur préjudice (cass. soc. 3 mars 2015, n° 1326175, BC V n° 41).

Cass. ass. plén. 5 avril 2019, n° 18-17442

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Date: 29/03/2024

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